mardi 13 janvier 2015

Être ou ne pas être Charlie?


 Être ou ne pas être Charlie ou le bal des faux culs!


Ce dimanche 11 janvier 2015, la France est devenue le centre du monde. Le centre du refus de la violence terroriste, le centre de l’amour envers son prochain, le centre de la compassion envers les victimes du terrorisme « djihadiste » en France, le centre de la liberté d’expression et de l’indignation… sélective.
Faut-il s’expliquer et s’excuser à l’avance de notre scepticisme à propos de cet élan de compassion, face à une éventuelle récupération de cette union dans la douleur de la commémoration de la mort de 17 personnes.
Est-il nécessaire de s’expliquer et dire que non, on ne soutient pas le terrorisme, qu’on le condamne avec la dernière force, que l’on se « désolidarise » (mais avons-nous été solidaire un jour des assassins ? Pourquoi devrais-je me désolidariser d’un acte que je réprouve ?). Puisqu’on me « somme » de le faire, oui je ne me reconnais pas dans ces actes barbares d’exécution d’un policier à terre, du meurtre d’une balle dans le dos d’une fonctionnaire de police venue à la rescousse sur les lieux d’un accident de la route, du massacre d’un groupe de charlots qui méritaient mon indignation pour les caricatures du prophète d’un milliard et demi de musulmans et en aucun cas ce qu’ils ont subit, de quatre civils innocents occis dans un « hypercasher » dont le seul crime en plus d’être né dans la mauvaise communauté, fut de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Non, je ne soutiens pas le terrorisme aujourd’hui comme je ne l’ai pas soutenu hier en Irak, en Syrie, en Lybie, mais aussi à Gaza face au terrorisme d’état du gouvernement israélien actuel.
Je condamne tous les terrorismes qu’il s’agisse du terrorisme « djihadiste », du terrorisme d’état, du terrorisme d’extrême gauche, etc. A chaque fois que des innocents meurent par la faute de puissants oppresseurs, je m’insurge. Mais je dois rester constant dans mon « insurrection », je ne peux pas m’insurger de la mort de 17 personnes et ne pas l’être de la mort de 2000 personnes au Nigéria au même moment juste parce que ça se passe loin de moi en Afrique et que ça touche des noirs. Je ne peux pas m’indigner de la mort de 4 juifs dans un hypermarché casher à Vincennes et ne pas m’indigner de la mort de 4 enfants jouant sur une plage à Gaza juste parce que les premiers appartiennent à la « race des élus » et pas les autres. Je ne peux pas ordonner le massacre de 2000 personnes cet été dans plusieurs quartiers de Gaza et venir participer à ce que certains médias, notamment belges, ont déjà qualifié de « bal des hypocrites ». Je ne peux pas museler la presse dans mon pays, fouetter les bloggeurs sur la place publique, emprisonner des journalistes étrangers et « battre le pavé » à Paris.
Des têtes couronnées et des chefs d’état de plusieurs pays ont marché dans les rues de Paris et des millions de français et des non français ont marché également dans plusieurs villes de France et dans d’autres pays européens. Ils ont marché pour dénoncer le terrorisme et défendre la Liberté meurtrie. Cependant, en tête de cortège se trouvait celui qui, rien que cet été, a fait assassiner plus de 2000 personnes dont la moitié d’enfants sans que cela n’émeuve personne. Se trouvait également, jouant des coudes pour apparaître au premier plan de la photo, l’ancien président français qui avait déclenché une guerre en Libye, et qui a favorisé, indirectement certes, l’arrivée dans ce pays là des « djihadistes » les plus dangereux en Afrique. S’y trouvaient encore, de nombreux chefs d’état africains fossoyeurs dans leur pays de la liberté d’expression et de la liberté tout court mais qui ont retrouvés sur les pavés parisiens absolution et seconde virginité. On pourrait se demander ce qui les a fait accourir si vite pour apporter leur soutien total et indéfectible à leur « grand frère ». La crainte d’un coup d’état peut être…
Plus modestement de nombreux êtres humains de partout dans le monde ont manifesté leur soutien aux êtres humains lâchement assassinés. Cette émotion saine ne tenait pas compte de la nationalité, de la religion ou de l’origine des victimes. C’était la somme de l’expression d’une humanité individuelle qui s’est transformée en communion autour des principes humanistes chers à ce pays et au monde. Les quelques individus pour qui des intérêts économiques, géostratégiques ou idéologiques sont plus importants que la vie humaine sacrée ne réussirons pas à briser cela. L’humanité qui est en chacun de nous survivra à Bush, Sarkozy, Hollande, Netanyahou, les Coulibaly, les Kouachi et les Merah. L’amour de son prochain prôné par les différentes religions est plus fort que la haine et la division que certains veulent semer entre nous.
Mais posons-nous la question qui a trotté dans l’esprit de beaucoup d’entre nous au lendemain de ces funestes jours : Suis-je Charlie ou ne le suis-je pas ?
Nous avons tous pris position en mettant sur nos murs soit #JeSuisCharlie soit #JeNeSuisPasCharlie. Certains ont osé #JeSuisCharlieCoulibaly jouant de la provocation à un moment où peut être l’esprit n’était pas à l’humour noir. Certains se sont à la fois revendiqué Charlie et pas Charlie rajoutant à la confusion.
Mais tout dépend ce qu’on entendait par ces trois mots. Est-ce que cela veut dire que je partage le point de vue des auteurs sur le fait de caricaturer ce qui pour beaucoup est sacré ? Est-ce que cela veut dire que je leur reconnait le droit de le faire même si je ne suis pas d’accord avec eux au nom de la liberté d’expression ? Que personne ne devrait être tué pour du blasphème ? Que ce n’est pas à un individu de rendre la justice divine ? Et si je mets #JeNeSuisPasCharlie ? Est-ce que ça veut dire que je suis pour leur mort ? Où contre leurs idées uniquement ? Derrière ces quelques mots chacun d’entre nous à voulu exprimer son sentiment face à ces tragiques évènements et il ne faudrait pas le juger pour son opinion surtout si l’on croit à la liberté d’expression. L’opinion de chacun dépend de son parcours intellectuel, de sa culture générale mais aussi de sa culture religieuse. Respectons là et débattons sans passion pour échanger nos impressions dans la sérénité et le respect des uns et des autres.
Certains ont voulu me signaler où l’ont fait parce que je n’étais pas d’accord avec eux ou que j’ai ris du trait d’humour de Dieudonné sur ces massacres #JeSuisCharlieCoulibaly. Ils trouvaient que ce n’était pas drôle, qu’il fallait que j’étouffe mon rire. Faut-il « rire sous cape » ? Je n’ai pas le droit de trouver drôle quelque chose qui me fait rire ? Ce serait de France que l’on nous imposerait ce qui est drôle de ce qui ne l’est pas ? Et on enverrait une police spéciale, la police de l’humour, arrêter les contrevenant fussent-ils à l’autre bout du monde.
Oui, la France est devenue le centre du monde et toutes les valeurs et les principes ont été définis, du moins pendant ces quelques jours, depuis l’hexagone dans la twittosphère.
Qu’en est-il de la liberté d’expression pour laquelle des millions sont sortis ce dimanche 11 janvier 2015 ? Qu’en est-il advenu du droit à la différence de penser de par le monde ? De quel droit on sommerait une communauté de par le monde à se désolidariser de ces massacres surtout s’ils n’ont jamais été solidaire ? De quel droit un internaute insulterait un autre à l’autre bout du monde parce qu’il ne pense pas comme lui ? Cet outil a permis de nous rapprocher mais n’a pas permis que l’on s’écoute et que l’on partage nos différences.
La vraie question à se poser c’est : qu’est ce qu’on fait maintenant ? Il y a eu un avant et un après 11 janvier. Comme les choses ne seront plus comme avant on peut se demander quelle sera la nature de nos rapports avec l’Occident. Il s’avère plus que nécessaire que les intellectuels africains se saisissent du problème posé par la violence terroriste et de la violence tout court, de la démocratie, de la liberté d’expression pour que la définition de ces concepts ne nous soit pas imposée d’ailleurs. Nous devons reconceptualiser ces termes au prisme de nos principes et de nous valeurs culturelles à nous. Nous devrions par la suite dans un dialogue constructif partager nos réflexions avec nos pairs occidentaux dans le respect des opinions des uns et des autres. Nous aurions tout à y gagner. Ces questions sont mondiales et non pas que françaises ou européennes. Les victimes du terrorisme sont largement plus importantes dans le monde qu’en Europe. Mais il semblerait que l‘impact des images de ces tueries à Paris a été plus grand que celui de toutes les victimes de ces dernières années de part le monde. Il faudrait que l’on comprenne que cela fait le jeu des terroristes qui multiplierons ce genre d’attaques parce que justement cela choque l’opinion et que ça fait parler de leur « cause ». La réponse au terrorisme doit être ferme. Elle doit être politique, économique et pourquoi pas militaire. Elle ne devrait en aucun cas être médiatique.